BLOG 2023/09 & S5E3 PODCAST

Le calendrier du jardinier : Le travail au jardin fruitier tout au long de l’année

Les 7 et 8 septembre 2023 se sont tenues à Nantes les premières ‘Assises internationales des paysages comestibles fruitiers dans la cité’
Un atelier y a été animé conjointement par Bérengère LE COCQ, ingénieur agronome et spécialisée en arboriculture fruitière et impliquée dans un projet de recherche à Bruxelles qui traite de la place du fruitier en ville en vue d’une résilience alimentaire urbaine (projet ARBRES) et Christine Coulomb, créatrice du Jardin des Merlettes. Ce dernier adhère fortement au thème de ces assises en tant que jardin pédagogique dédié à la formation des adultes, et en particulier à l‘arboriculture fruitière. 
Le public attendu pour ces assises consistait en grande partie de personnes, élues ou employées de collectivités territoriales en recherche d’informations pour nourrir des projets d’implantations urbaines et péri urbaines d’espaces fruitiers, tant des arbres isolés, des haies fruitières, de petits îlots ou bosquets, voire des vergers ou même des ‘forêts nourricières urbaines’. Il nous a donc semblé utile de mettre en situation ces différents projets et de rappeler le calendrier relativement contraignant des tâches auxquelles une collectivité devra s’attendre suite à la mise en place d’arbres et d’arbustes fruitiers dans ces différents espaces.
Plutôt que de présenter le déroulé habituel ‘calendaire’ de ces travaux, nous avons choisi une approche par thème, selon la nécessité à laquelle ils répondent pour les plantes. Cette approche transversale nous a paru plus pertinente pour une première approche de ce qui sera pour beaucoup de toutes nouvelles responsabilités dont une caractéristique fondamentale est la pérennité et la répétition dans le temps. Nous avons choisi 4 angles d’approche qui se complètent pour une vision d’ensemble des travaux nécessaires :

  • Le cycle biologique des plantes (phénologie) au long de l’année
  • Le calendrier des dangers qui menacent les arbres et arbustes fruitiers et les fruits qu’ils portent
  • Le calendrier des soins au ‘milieu’ dans lequel poussent les arbres & arbustes
  • Le calendrier des récoltes

1 – Le calendrier du jardinier suit le cycle biologique des plantes, ce qu’on appelle la phénologie

En premier lieu, c’est le cycle biologique qui détermine le circuit de la sève dans les plantes. Celui -ci, à son tour, conditionne le rythme de leur pousse, leur résistance, la fermeture des plaies de taille, la création (ou non) de fruits, etc.  


Par exemple, si l’on considère les périodes pour effectuer les plantations, les tailles et les greffes :

La plantation

Elle s’effectue de préférence à l’automne car les parties aériennes des arbres sont en repos tandis que leurs racines continuent de pousser.

La taille

– Elle est indispensable pour contrôler la croissance des végétaux et assurer une bonne distribution de la sève. On taille parfois quand le fruitier est au repos (taille ‘en sec’), parfois quand il pousse (‘taille ‘en vert’).

– Est-il vraiment nécessaire de tailler un fruitier ? Si on veut une bonne production, alors oui .

– Peut-on tailler tout type de branche ? Une règle, sorte de garde-fou, doit guider le jardinier : il s’agit de permettre à l’arbre de refermer la section de branche qui a été coupée pour faire barrière aux attaques extérieures. Si la plaie ne se referme pas assez vite, des maladies (chancres, nécrose…) s’installeront plus facilement. 

– Les règles ne sont pas inscrites dans le marbre : il y a par exemple un débat sur l’élagage des fruitiers à noyaux : est-il mieux de tailler quand l’arbre est au repos et que la sève ne circule pas ou au contraire, quand il est en pleine végétation et que la plaie de taille se refermera mieux ? 

–  La taille permet une redistribution de la sève par le lever de dormance de bourgeons et la transformation de dards en bourgeons à fruits (l’induction florale). C’est l’une des fonctions de la taille en vert. Pour être efficace, la taille ‘en vert’ ne doit pas intervenir trop tôt dans la saison, sinon, on ne fait que relancer la pousse de l’arbre. Si elle intervient trop tard, elle perd de son utilité.

La greffe

– La période pour greffer est différente selon le type de greffe pratiquée : en fente, à l’anglaise, en écusson, etc… Il s’agira donc de greffe à œil ‘poussant’ ou, au contraire à œil ‘dormant’ .Les greffes en fente et à l’anglaise ont en effet besoin d’une bonne circulation de sève. Le porte greffe doit être bien en sève mais le greffon encore ‘endormi’. En revanche, la greffe en écusson a besoin de moins de sève : la période estivale est donc recommandée.

2- Le calendrier des dangers qui menacent les arbres & arbustes fruitiers et les fruits qu’ils portent

Il s’agit de comprendre le calendrier des attaques par rapport aux stades phonologiques de chaque espèce fruitière.

On recense les prédateurs, insectes, acariens ou mammifères, et les autres dangers :  qu’ils soient dus au climat, à des virus, ou à des champignons (maladies cryptogamiques) …

 Puis on met en regard les dates probables de ces différentes attaques et les stades phénologiques des fruitiers. Le cycle biologique des insectes est très spécifique, que ce soit, par exemple, la propagation des pucerons ou le vol des carpocapses pour les insectes ; ou bien l’ensemencement et l’éclosion des maladies cryptogamiques (monilia, tavelure…)

– Par exemple : il n’y aura pas de pucerons sur un fruitier qui n’a pas encore de feuilles. En revanche, des spores de maladies peuvent se déposer sur ses bourgeons 

– Si on est en agriculture ‘bio’, la période à laquelle on effectue le traitement est encore plus importante car on doit être le plus précis possible pour être efficace : On cherche à protéger, voire à favoriser la biodiversité, en arbitrant une action de prévention et les risques encourus si aucune action n’est prise. Mais on évite d’être trop interventionniste, d’où l’intérêt de la prévention.

– Il est utile d’effectuer des comptages pour traiter au bon moment et limiter ainsi les dégâts causés aux arbustes/ arbres fruitiers ainsi qu’à leurs fruits.

Désormais, il faut également prendre en compte l’influence du climat et les évolutions récentes :

– C’est à dire que l’on doit apprendre à à gérer les nouvelles inconnues liées à la violence des perturbations mais aussi le chamboulement des saisons, les gelées tardives, par exemple.

Il est donc particulièrement utile d’observer le comportement des fruitiers locaux et d’échanger entre professionnels travaillant sur une même zone climatique. Certains fruitiers semblent plus résilients que d’autres. Par exemple les pommiers et poiriers souffrent des gelées tardives au Jardin des Merlettes. En revanche, les kakis souffrent moins car leur débourrement est plus tardif et les kiwis, pas du tout. Il existe également de fortes différences selon les variétés et certaines variétés locales sont plus résistantes.

3- Le calendrier des soins au ‘milieu’ dans lequel poussent les arbres et arbustes fruitiers

On pense en particulier à entretenir la vie du sol et à surveiller la disponibilité en eau pour les plantes.

Entretenir la vie du sol :

Nourrir le sol (tant pour les racines du fruitier que pour la faune du sol) : en apportant de la matière organique. On privilégiera un jeune compost (1-3 mois max) de fumier d’étable « bio » quand le carbone et l’azote sont encore disponibles et assimilables par la faune du sol. Et on ne l’enfouira pas.

Le travail du sol (décompactage si nécessaire) pour favoriser l’équilibre eau/air. Certaines périodes sont plus favorables (automne) et respectent le repos nécessaire. En particulier, il ne faut JAMAIS intervenir sur un sol trempé avec des engins lourds.

Surveiller la disponibilité en eau pour les plantes :

L’arrosage est crucial dans les premières années après la plantation. 

Prendre en compte les températures, l’hygrométrie.

Penser à étalonner le tuyau d’arrosage pour arroser de façon raisonnée.

Gérer la couverture du sol

– Pour protéger la vie du sol un sol nu est à proscrire, en particulier en étéAu printemps en revanche, on écartera le paillage pour permettre au sol de se réchauffer.

– On doit gérer un compromis entre le désherbage (pour éviter la concurrence hydrique), le paillage (pour protéger la vie du sol) et la gestion des nuisibles (qui nichent sous le paillage). 

4- Le calendrier des récoltes

Les récoltes elles-mêmes, mais aussi les soins aux fruits avant récolte : 

Éclaircissage, ensachage ou mise sous filet. 

Les insectes et les oiseaux peuvent s’attaquer aux fruits bien avant leur date optimale de cueillette.

Ne pas confondre les dates de récolte et les dates de maturité

Concept de fruits climactériques : certains fruits continuent à mûrir après cueillette (poires, pommes, kiwis, pêches), d’autres non (fraises ou raisins).

Ce critère (climactérique ou pas) détermine le rythme de cueillette nécessaire

Les climactériques se récoltent en une seule fois (fruits à pépins) 

Les non climactériques, au contraire, doivent être récoltés très régulièrement pendant une durée donnée (les framboises, fraises, figues…)

Organiser le lieu où conserver les fruits jusqu’à maturité

Quelle quantité de fruits devra être stockée à quel moment et pour combien de temps.

La conduite du fruitier (taille et suivi) impacte directement la facilité de récolte.

PETITS FRUITS : CASSIS, GROSEILLES ET FRAMBOISES

5- Et ce qu’on n’arrive pas à faire ‘à temps’ ?

Les écarts les plus fréquents portent sur la taille et la plantation.

Est-ce grave de ne pas faire à temps ces tâches jardinières ? OUI, si l’objectif est d’avoir un verger productif et en bonne santé. 

Il faut se poser honnêtement la question. Quels services écosystémiques recherche t-on ? La production de fruits, une certaine esthétique, aider la biodiversité, développer la ressource en bois… Une fois les attentes claires, les actions à entreprendre le seront aussi, ainsi que le temps à consacrer au projet, ou pas, et le budget à prévoir, ou pas !

En conclusion

Au vu du nombre et de la complexité des tâches à accomplir, on comprend l’utilité pour le jardinier de construire une sorte de ‘rétro planning’ adapté auxarbustes dont il a la charge et qui récapitule les actions à conduire.

Un calendrier personnalisé du patrimoine fruitier est un outil incontournable pour une bonne gestion de celui-ci 

L’utilité de former les équipes à l’arboriculture fruitière pour acquérir le savoir en interne et gagner en autonomie. 

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