Blog 2022 10 : la taille de formation des arbres fruitiers : simple, indispensable et complètement oubliée

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Planter un nouvel arbre fruitier est toujours un bonheur pour un jardinier. Après la visite chez le pépiniériste ou dans une fête des plantes, ou à l’arrivée du paquet, on se dépêche pour planter son arbre au jardin. On l’installe dans son trou de plantation (avec une poignée d’orties), on le haubane, on l’arrose, on se réjouit en pensant aux futures récoltes et aux confitures et conserves qui s’ensuivront… et on l’oublie.
Trois ou quatre ans plus tard, le petit arbre a bien grandi et il fait la fierté de ses propriétaires, ravis de le voir si bien pousser… Selon les cas (voir plus bas), il est devenu bien touffu ou au contraire ses branches se sont allongées démesurément. La première récolte survient et soudain, faute d’une taille de formation appropriée, les choses vont commencer à se compliquer. En effet, tel qu’il s’est développé naturellement, l’arbre est mal préparé à porter de lourdes récoltes et celles ci vont l’abîmer année après année. La situation est très différente selon le mode végétatif des arbres mais, dans tous les cas, une taille de formation bien conduite permet d’éviter la plupart de ces problèmes. Par ‘taille de formation’, par opposition à ‘taille de fructification’, ‘taille d’entretien’ ou ‘taille de régénération’, on entend la taille conduite pendant les premières années d’un arbre et qui vise à bien établir sa charpente.

La taille de formation des arbres à pépins : renforcer la charpente et former des coursonnes

Quelques indications pour le tout début de la formation de l’arbuste fruitier :

Tout d’abord : Bien choisir la hauteur du tronc
Le jardinier l’oublie souvent, mais beaucoup d’arbres peuvent être taillés de façon à modifier leur hauteur. La seule chose à respecter est le point de greffe. Il faut bien entendu toujours tailler au dessus de ce point, sinon, on se retrouve avec un porte greffe seul, un sauvageon par exemple,… et non plus avec la variété greffée. Une fois déterminée par cette première taille, la hauteur choisie pour le tronc sera définitive. Il faut donc bien réfléchir au départ, car on ne peut choisir qu’une seule fois !
Donc, lorsque votre jeune arbuste fruitier arrive dans votre jardin, il vous appartient de déterminer à quelle hauteur vous voulez voir se développer des branches charpentières. L’arbuste que vous avez acheté a bien souvent déjà développé quelques branches, mais rien ne vous empêche de revenir en arrière et de raccourcir en mars le tronc à la hauteur voulue. L’arbre reprendra de plus belle si vous avez pris le soin de planter en novembre, de façon à ce que les racines s’établissent tranquillement.
On peut choisir entre la cépée (photo de gauche), la basse tige (au centre) ou la haute tige (à droite).

Deuxième recommandation très importante : être attentif à l’orientation des branches
La direction de la branche qui pousse à la suite d’une coupe est entièrement déterminée par l’orientation de l’oeil sur lequel la coupe est réalisée. Si l’on se trompe d’oeil, la branche poussera dans une direction non désirée. La photo ci dessous montre le résultat d’une telle erreur. 

Lors des stages au Jardin des Merlettes, les participants apprennent donc à bien se positionner face à la branche à couper, la meilleure façon d’éviter ce genre d’erreur. On se place exactement dans l’axe de la branche que l’on souhaite tailler ce qui permet de déterminer facilement l’angle de chaque oeil et de choisir le plus approprié pour la forme que l’on souhaite. Le rattrapage d’une mauvaise taille de formation est difficile, hasardeux… et long, alors il faut bien prendre son temps avant le coup de sécateur décisif.

3ème règle de base : Ne pas laisser trop de charpentières
Puisque l’on est en train de monter une charpente, il convient d’anticiper la pousse des branches qui existent et prévoir que chaque branche va grossir de façon considérable. Il lui faudra de la place pour bien se développer sans gêner les branches voisines. Les photos ci-dessous montrent un arbre en gobelet qui comprenait 9 branches charpentières. On en a enlevé 4 pour en laisser 5. Chaque branche a ensuite été raccourcie.

Voici un autre exemple, sur un jeune poirier : dans ce cas encore on supprime quelques branches et on raccourcit les autres pour leur permettre de se renforcer. En effet, si on laisse les branches s’allonger trop vite, elles seront trop frêles pour porter les fruits. Chaque hiver, on raccourcit donc pour ne conserver que 15 à 20cm de la pousse de l’année précédente. Le renforcement des branches est très considérable d’une année sur l’autre. On passe d’une branche qui a la taille d’un crayon de papier à la taille d’un pouce, puis d’un manche à balai. Ceci bien sûr, à condition d’avoir bien raccourci la branche chaque printemps.

Il ne faut pas craindre que l’arbre soit dégarni. C’est vrai qu’il semble un peu ‘déplumé’ après cette taille, mais la pousse lors du printemps suivant est spectaculaire… et ainsi bien conduite. C’est une vraie preuve que la taille des arbres fruitiers ne correspond pas à une logique d’acharnement de la part d’un jardinier trop zélé mais à une nécessité pour le développement harmonieux de la charpente de l’arbre.

Faut-il laisser un jeune arbre porter des fruits ?Un vrai dilemme pour le jardinier
On cherche à conduire un arbre pour lui donner une forme adaptée à un certain usage. Parfois, cet objectif nous oblige àfreiner nos envies de goûter les fruits dès les premières années. En effet, on aurait tendance à laisser venir les premiers fruits où qu’ils soient situés, c’est-à-dire, même en bout de branche. C’est pourtant une erreur à éviter absolument. En effet lorsque le fruit vient à mâturité, il se forme sur la branche, au bout du pédoncule, une boursouflure que l’on appelle une bourse. Celle-ci agit comme un filtre sur la sève de l’arbre. Or, lorsque le fruit est cueilli, la bourse reste (photo ci-dessous).
Tous les arboriculteurs ne sont pas d’accord sur l’effet de ces bourses sur les récoltes suivantes : certains disent que les fruits obtenus sur des coursonnes qui portent ces bourses sont particulièrement délicieux, d’autres, en revanche, les trouvent rabougris. Nous n’avons pas trouvé d’étude statistique solide sur le sujet mais constaté fréquemment que la présence d’une bourse ralentit la pousse de la branche. S’il s’agit d’une charpentière, on comprend donc que la présence d’une bourse est indésirable. Il vaut donc mieux ne pas laisser venir de fruit aux extrémités des branches, et pour cela, la façon la plus efficace consiste à éliminer les fleurs mal placées au printemps (ce qu’on appelle ‘effleurage’).

Bourses

Les étapes successives d’une taille de formation
Les photos ci-dessous montrent la progression sur cinq ans de la taille de formation d’un pommier ‘Reine des reinettes Bonnin’ conduit en cordon simple bilatéral. L’allongement des branches est très progressif d’une année sur l’autre. On souhaite en priorité former des charpentières fortes (les cordons) et, en examinant les points de coupe des années successives, on constate que le diamètre de ces branches forcit d’année en année. On cherche ensuite à favoriser le développement de coursonnes bien établies et réparties régulièrement (environ une tous les 15 à 20 cm) sur les deux côtés latéraux (droite ou gauche) des branches, mais ni dessous ni dessus. Ce sont ces coursonnes qui porteront les futurs fruits, un ou deux selon leur force, mais pas plus.

Et voici le résultat, à l’été de l’année 5 :

Année 5 (automne) : les fruits !

Comme pour les autres stages organisés par le Jardin des Merlettes, les stages de taille des arbres fruitiers ont lieu au moment où les tâches doivent étre effectuées. Il y a donc plusieurs stages. Nous vous proposons de démarrer par un stage de taille d’hiver, d’arbres en formes libres ou palissées, selon ce que vous avez dans votre jardin puis, lorsque vous avez pris un peu d’assurance et commencez à connaître vos arbres, vous pouvez vous essayer à la taille en vert .

Voir le stage de taille d’hiver des arbres fruitiers à pépins de haute tige
Voir le stage de taille d’hiver des arbres fruitiers palissés
Voir le stage de taille ‘en vert’ des arbres fruitiers

Quels arbres faut-il ainsi former ?

Les exemples ci-dessus se rapportent à des arbres formés sur des palissages et que l’on suit très soigneusement d’année en année. Cependant, ces mêmes principes s’appliquent également aux arbres de haute tige, en forme dite ‘libre’. Pour eux aussi il est important de prévoir une structure solide et donc d’éliminer les branches charpentières en surnombre dès les premières années. Et un raccourcissement les deux ou trois premières années des branches que l’on aura décidé de conserver leur permettra de se renforcer et de supporter ainsi plus facilement, c’est à dire sans étai, le poids des futures récoltes.
On taillera donc ainsi les pommiers et les poiriers, mais aussi les cognassiers qui s’y prêtent d’ailleurs très bien, comme on le voit sur la photo ci dessous.

Jeune cognassier

Même les néfliers, dont les fruits sont pourtant plus légers , ont besoin d’une taille, au moins occasionnelle. Elle sert à éclaircir leur charpente de temps en temps, comme on le ferait pour un arbuste d’ornement. Faute de cela, l’arbuste ploie facilement sous le poids des fruits (ci dessous).

Néflier

Lorsqu’un arbre n’a pas été taillé dans les années suivant sa plantation, il développe une ramure trop dense, voire parfois enchevêtrée, et qui finit par l’étouffer. Les branches s’entrecroisent, le vent et le soleil n’arrivent plus au centre des branches, les maladies cryptogamiques s’installent. La sanction est une taille de restauration parfois sévére… mais ceci fera l’objet d’un autre article.

2- La taille de formation des arbres à noyaux : garder du bois jeune, près du tronc

Les arbres portant des fruits à noyaux ne repercent pas sur vieux bois
La stratégie de taille à adopter pour les arbres à noyaux est très différente de celle des arbres à pépins car ils ont la particularité de ne pas repercer sur vieux bois. Cela signifie que si une coupe est effectuée sur une branche qui a plus de deux ans, il y a de fortes chances qu’aucun bourgeon ne se forme sur la partie de la branche conservée et que celle ci meure dans les semaines ou les mois suivant la taille. Il faut donc garder du bois jeune partout sur l’arbre et en même temps éviter de s’éloigner trop des charpentières.
Le problème n’est pas aussi aigu pour toutes les espèces de fruits à noyaux. Les pruniers, par exemple, repartent en général assez bien, même sur du bois ancien. A l’inverse, les pêchers ne repercent quasiment pas.
Chaque année, un arbre à noyaux en bonne santé va émettre de nouvelles pousses qui vont mesurer de 40 à 50cm, voire plus d’un mètre pour les cerisiers et les pruniers. Si le jardinier n’y prend pas garde et n’intervient pas pour raccourcir ces nouvelles pousses, l’extrémité des branches va donc s’éloigner chaque année de cette même distance du centre de l’arbre. En trois ans, l’arbre est déjà très dégingandé. La pousse des années suivantes se ralentit, car la sève a un trop long chemin à parcourir jusqu’à l’extrémité des branches. Et les fruits, placés trop loin du tronc sont plus petits et ont moins de saveur.
Voici une photo d’un pêcher laissé à lui même pendant environ dix ans. Il a poussé très en hauteur et offre un faciès ‘en plumet’ car les branches principales qui formaient sa charpente se sont cassées les unes après les autres sous le poids des fruits. Il est maintenant très difficile de reconstituer une nouvelle charpente plus proche du sol car on risque que l’arbre ne reparte pas. Or les fruits sont désormais difficiles à atteindre et il est quasiment impossible de tailler correctement les branches à cette hauteur, sauf à faire des équilibres sur échelles…

Comment tailler ? L’exemple d’un pêcher de plein vent
Il est très important de tailler réguliérement les arbres à noyaux, en particulier les pêchers car leurs branches sont plus souples que celles des arbres à pépins et qu’elles ont tendance à ployer, et souvent, à se rompre sous le poids des fruits.
Pour garder des branches courtes on doit intervenir à différents moments tout au long de l’année :

  • Au début du printemps, au moment de la floraison, pour la formation des arbres jeunes. Cela sert également pour la fructification des arbres plus âgés mais ce n’est pas le propos aujourd’hui.
  • En vert, lorsque les fruits sont bien formés. Vers le mois de juillet, on raccourcit les rameaux au dessus des fruits que l’on a éclaircis pour n’en laisser que quelques uns par branche.
  • S’il faut pratiquer une taille d’élagage et supprimer des branches, fin Juillet. Jusqu’à récemment encore, on recommandait d’effectuer les tailles d’élagage sur arbres à noyaux en octobre ou début novembre, quand la sève est descendue et que l’on ne risque plus de provoquer des épanchements de gomme. Cependant, force est de constater que les arbres cicatrisent beaucoup mieux en été et c’est pour cela que nous avons adapté notre pratique… et changé la date du stage d’élagage des arbres à noyaux. 

Au total, le jardin propose donc trois stages différents pour la taille de vos fruitiers à noyaux. En avril, sur fleurs, la taille de fructification, fin juin, la taille en vert et fin juillet, la taille de rénovation.

Voir les stages de taille des arbres fruitiers à noyaux

Voici des photos des étapes de la formation d’un jeune pêcher :

Au bout de cinq ans, voici à quoi le pêcher ressemble :

Mais voilà, même avertis,  nous ne sommes pas toujours assez sévères. La charpente de l’arbre (à gauche, ci dessous) semble bien équilibrée. Pourtant, on l’a laissé s’allonger trop vite et l’une des branches maîtresses n’est pas encore assez solide pour supporter le poids des fruits (photo du milieu). Dès que le poids des fruits a augmenté, il a été nécessaire d’étayer cette branche (photo de droite). En automne, cette charpentière sera taillée à la naissance d’une ramification plus proche du tronc pour éviter cette mésaventure l’an prochain et permettre un nouveau départ et un renforcement de la charpentière.

Le cas des cerisiers haute tige
On le voit ci dessous pour ce cerisier bigarreau Napoléon, les principes sont exactement les mêmes au départ que pour les poiriers ou les pommiers vus plus haut : sélection des charpentières, puis raccourcissement radical chaque année.

Les photos montrées soulignent à quel point il faut être sévère dans ces tailles de formation, et supprimer une grande partie de la pousse de l’année pour vraiment renforcer la base de la charpente. L’exemple ci dessous présente un cerisier pour lequel la taille de formation, bien conduite au départ, a été abandonnée trop tôt. Et l’arbre s’est perdu en branches trop frêles.

Griotte du Nord

Les arbres à noyaux palissés
Même si le résultat semble très différent, la méthode est exactement la même pour ce pêcher palissé : choix et palissage de quelques charpentières que l’on laisse s’allonger progressivement et taille des branches latérales pour les rapprocher du mur. Et le résultat est magnifique. Voici par exemple la mise en place d’un pêcher palissé au Jardin des Merlettes (brugnon blanc) et le résultat au bout d’un an. Certes, on est encore loin des grands pêchers palissés du Potager du Roi, à Versailles, (photo de droite, avant la taille de printemps) mais on est en route…

Et on peut appliquer cette méthode à beaucoup d’autres espèces : abricotiers, cerisiers, et méme : figuiers et plaqueminiers !

Figuiers palissés

4 commentaires

  1. trescurieuse dit :

    Merci pour cet article trés complet et ..complexe. J’ai lu par ailleurs qu’il était préférable ne ne pas tailler les fruitiers la première année de leur plantation pour leur laisser suffisamment de feuillage pour qu’ils puissent faire correctement et suffisamment le processus de photosynthèse. Cette thérorie va à l’encontre de la vôtre. Qu’en pensez vous?
    Merci si vous avez le temps de répondre.

    1. Bonjour,
      Merci de votre commentaire qui reflète sans aucun doute une question que se posent beaucoup de jardiniers.
      En fait, ma réponse est “non, pas du tout”.
      Je m’explique : Vous plantez votre arbuste en novembre. En général il a déjà perdu toutes ses feuilles quand il arrive dans votre jardin. Il n’y aura aucune activité aérienne jusqu’au début du mois de mars prochain. En revanche, sous terre, les racines s’activent. Considérez qu’elles vont pousser pendant au moins trois semaines après la plantation. L’arbuste va donc s’installer solidement. Au printemps, quand vous allez tailler comme indiqué dans le podcast/blog, les bourgeons apicaux vont démarrer immédiatement et produire des pousses de 30 à 60 cm dans les 3 mois suivants. Le fait d’avoir ou non laissé quelques branches supplémentaires ne change rien à l’affaire, en terme de photosynthèse. En revanche, ces branches en surnombre encombrent véritablement le centre de l’arbre, d’où ma recommandation.
      Maintenant, vaut-il mieux tailler à la plantation même (novembre) ou au printemps suivant ? De mon point de vue, tout dépend des conditions météo. Si elles sont favorables (s’il fait sec) on peut tailler de suite. Si le temps est froid et humide, mieux vaut attendre le printemps. Ceci pour aider la cicatrisation des plaies de taille qui se fait mieux par temps sec.
      Bien cordialement

      1. Anne dit :

        Merci de ces “éclaircissements “. Je sors mon sécateur.

      2. Bon courage !

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