
Aujourd’hui, nous allons parler des soins à apporter aux arbres fruitiers pendant l’été. Pour la plupart des jardiniers, soigner les arbres fruitiers signifie les tailler. En fait, ce mot est trop réducteur par rapport à ce que le jardinier cherche à faire. En effet, il ne s’agit pas tant de supprimer une partie de l’arbuste que de réfléchir aux flux de sève et à la façon dont ils interviennent sur la vie de l’arbre. Ainsi, tailler n’est pas toute l’histoire, loin de là. Nous vous présentons dans ce podcast quelques techniques simples qui précèdent les tailles d’été (dites tailles ‘en vert’ car le bois n’est pas encore bien aoûté) et qui aident très efficacement les arbres en cours de saison en intervenant sur les flux de sève. Il s’agit des éborgnages, des effleurages, des ébourgeonnements et des pincements. Il est également très utile d’éclaircir les fruits et de les ensacher. Dans un prochain podcast, nous aborderons la taille ‘en vert’ proprement dite, c’est à dire effectuée au sécateur.
Observons déjà le développement des arbres au cours de l’année
Comme toutes les plantes, les arbustes fruitiers passent, au cours de l’année, par des stades de développement bien identifiés et qui sont répertoriés par les professionnels. Ces stades appelés ‘phénologiques’ sont importants à identifier car à chacun d’eux correspond une sensibilité particulière de l’arbuste et donc une action possible de la part du jardinier. Je vous rappelle que ce podcast parle de jardinage bio or, en bio, on cherche toujours à prévenir plutôt qu’à guérir et il est donc crucial de prendre chaque problème à temps.
Ainsi, le moment où les bourgeons commencent à grossir, ou ‘débourrement’, est particulièrement favorable aux maladies cryptogamiques, c’est à dire les maladies causées par des champignons microscopiques ou cryptogames. En effet, les spores de ces champignons qui se sont réfugiés avant l’hiver dans les interstices entre les écailles des bourgeons se répandent lorsque les bourgeons grossissent et écartent ces écailles avant de les faire tomber. C’est donc le moment idéal pour le jardinier pour limiter l’invasion de la maladie. On pulvérise un purin fongicide accompagné d’un traitement à base de cuivre et on enraye ainsi le développement de ces maladies bien spécifiques, principalement la tavelure et la moniliose.
De même façon, à l’éclosion des fleurs on surveillera les invasions de certains insectes que ce soit l’insecte ‘complet’, ou imago, ou l’insecte à un stade de développement intérimaire, des larves par exemple. Et cela vaut pour tous les insectes, dévoreurs ou piqueurs : chenilles de tous poils, thrips, etc.
La chronologie des dates de floraison est fixe. Il y a des années où la végétation est précoce, d’autres où elle est tardive, mais l’ordre des floraisons est immuable. Elle correspond en effet à des cumuls de lumière et de chaleur qui doivent être atteints pour que la plante s’éveille de sa dormance hivernale. Et le soleil brille également pour tous !
Ce sont les amandiers (Prunus dulcis) qui ouvrent la saison, puis les autres variétés de prunus, les pêchers (P. persica) et abricotiers (P. armeniaca), les pruniers (P. domestica) et les cerisiers à fruits (P. avium) et à fleurs (P. serrulata). Viennent ensuite les poiriers (Pyrus communis), les néfliers (Mespilus germanica), les cognassiers (Cydonia oblonga) et les pommiers (Malus domestica). Vous pouvez voir des photos de ces différents arbustes sur notre site internet.
Et, quand le mercure du thermomètre est solidement ancré dans les températures printanières, les variétés plus gélives peuvent fleurir à leur tour : les kiwis (actinidias), la vigne (vitis) et enfin les plaqueminiers (Diospyros kaki).
Maintenant, voyons quels soins il faut apporter aux arbustes fruitiers en cours de saison
Il y a bien sûr la taille d’hiver à laquelle chacun pense comme au moment privilégié pour remettre les arbres en état. Mais plutôt que de compter uniquement sur cette taille annuelle, et parfois un peu radicale, il est préférable de suivre l’arbre tout au long de l’année et de rectifier au fur et à mesure des développements parfois un peu exubérants. L’objectif est d’éviter que des éléments indésirables poussent le long de chaque branche. La stratégie est d’agir le plus tôt possible, car moins ce que l’on enlève est gros, moins l’arbre souffre et plus la cicatrice est petite. Autrement dit, on cherche à ce que l’arbre pousse ‘utile’ et pour cela, on va l’aider à guider la sève là où elle sera le plus bénéfique pour nous les jardiniers, c’est à dire pour contribuer à la formation de bourgeons à fruits. Pour les plus timides d’entre nous, ou ceux qui disposent de peu de temps, une ‘taille en vert’ proprement dite peut paraître difficile. Cependant certains gestes simples doivent être impérativement effectués durant la période de croissance. Comme on l’explique lors du stage de taille en vert, il y a plusieurs manières d’opérer selon le moment où le jardinier a repéré un problème potentiel.
La première méthode, toute simple, est l’éborgnage
Éborgner, cela veut dire supprimer un œil.
C’est l’idéal : dès que l’on remarque qu’un œil est en train de gonfler à un endroit indésirable et va se transformer en bourgeon, on le supprime. Si on le laisse se développer, c’est un rameau qui poussera sur cette branche en moins de deux semaines. Ce que l’on appelle ‘endroit indésirable’, c’est en particulier le dessus des branches. Les rameaux latéraux forment des coursonnes, des petites ramifications d’une vingtaine ou une trentaine de centimètres qui portent des fruits. Au contraire, les rameaux situés sur le dessus des branches accaparent une bonne partie du flux de sève, au détriment de l’axe principal et se développent de façon puissante. On les appelle des gourmands. Non seulement ils absorbent une bonne partie de l’énergie de l’arbre, au détriment des autres organes, mais ils portent de l’ombre sur les autres axes de la forme fruitière et gênent donc à la fois la mise à fruits et le bon mûrissement des fruits.
Donc, dès qu’on voit un œil sur le dessus d’une branche, on le supprime avec l’ongle, on éborgne la branche. Si l’œil est déjà trop gros pour être simplement enlevé avec l’ongle, on utilise la lame du sécateur ou une serpette. Vous trouverez sur le blog de notre site, dans l’article datant de juillet 2013, des photos montrant chacun des gestes à effectuer.
On inspecte les arbres pour éborgner et on en profite aussi pour supprimer des fleurs
Supprimer les fleurs en surnombre est un travail très important et dont on parle trop peu. Cette opération est facile à réaliser, il suffit d’être soigneux et d’avoir un instrument à bouts bien pointu, une épinette par exemple ou des ciseaux à ongles. Cette opération est absolument nécessaire dans deux cas : pour épargner des arbres âgés et lorsque l’on ‘monte’ une forme fruitière.
Voyons d’abord en quoi cela épargne les arbres âgés : Produire des fleurs constitue un stress pour un arbre fruitier et utilise beaucoup d’énergie. Lorsque l’on est en train de restaurer un arbre, il n’est pas utile de laisser venir des fruits sur les branches en cours de restauration. Il vaut mieux que toutes les forces de l’arbre aillent dans la structure en train de repousser. On élimine donc une grande partie des fleurs avant même leur éclosion.
Et pourquoi par ailleurs éliminer des fleurs quand on forme un arbre fruitier ? Tout simplement parce qu’après la fleur vient le fruit. Or lorsqu’un fruit se forme sur une coursonne, un renflement, appelé ‘bourse’, se forme à la base du fruit et demeure sur la branche après la cueillette du fruit. La bourse est constituée de tissus de liège qui agissent comme un filtre sur la branche, ralentissant le flux de sève. Si on laisse éclore une fleur sur une terminaison de cordon par exemple, on permet à un filtre de s’établir sur ce cordon. Il est donc impératif d’effleurer tous les prolongements.
Une autre situation où l’effleurage peut être d’une grande aide concerne les arbres fruitiers très productifs. Si vous connaissez bien vos arbres, vous savez lesquels ont tendance à produire des grappes de fruits. Beaucoup d’arbres fleurissent en abondance mais seuls certains produisent presqu’autant de fruits que de fleurs. La suppression des fruits en surnombre sur ces arbres vous prendra beaucoup plus de temps que l’élimination systématique de quelques fleurs par bouquet.
La seconde méthode, lorsque l’on n’a pas pu éborgner à temps, consiste à ébourgeonner ou à arracher de jeunes branches
Si l’œil n’a pas été remarqué à temps, un bourgeon se développe. Il doit être retiré bien vite. Sur une forme fruitière, cette situation est très fréquente car la sève, dont le circuit est contraint par la forme, cherche à s’échapper. L’arbuste fruitier a ainsi tendance à produire des pousses qui montent tout droit dans l’axe du tronc. Ces pousses sont d’autant plus vigoureuses que leur axe se rapproche de la verticale. Seul le prolongement de cette pousse reçoit alors de la sève. Les yeux situés à l’aisselle des feuilles ne reçoivent rien et aucune production végétale ne peut se développer. Or bien au contraire, lorsque l’on monte une forme fruitière on cherche à conduire les branches plus près de l’horizontale, pour ralentir le flux de sève et permettre à chaque bourgeon le long de l’axe d’être bien irrigué et de produir des fruits.
Lorsque l’on n’a pas remarqué à temps le bourgeon mal placé, on peut encore intervenir en arrachant le début de rameau. Il vaut mieux arracher plutôt que de tailler avec des sécateurs, car cela permet d’ôter le tissu à la base du rameau qui contient tout le matériel génétique pour former de nouveaux bourgeons. La blessure provoquée par l’arrachage n’entame que l’écorce de la branche et la zone du cambium, mais pas les couches plus profondes des tissus de la branche.
Lorsqu’un arrachage a été correctement effectué, tout le tissu de la base du rameau a été ainsi retiré et la cicatrisation se fait très rapidement. L’année suivante un bourrelet de cicatrisation s’est formé. Plus aucun bourgeon ne pourra apparaître à cet endroit. Tout au contraire, si on a taillé au sécateur, les yeux situés dans l’empâtement du rameau se développent rapidement et forment de nouveaux rameaux qu’il faudra à leur tour supprimer.
Ces actes tout simples et qui sont peut-être une découverte pour beaucoup d’entre vous ne relèvent pas du détail. Au contraire, ils sont tout aussi importants que la taille d’hiver. On évite ainsi de perdre du temps à tailler des branches mal placées qui encombrent le centre de l’arbre et empêchent la lumière de passer. Et on simplifie considérablement le travail à faire lors de la taille d’hiver. Et, encore une fois, on épargne les forces de l’arbre en empêchant le développement d’éléments inutiles et très gourmands en sève. L’arboriculteur Vercier recommande donc de pratiquer cet arrachage des jeunes pousses sur de nombreuses espèces fruitières, y compris sur des pêchers.
Les pincements
Les rameaux que l’on souhaite conserver sont eux aussi raccourcis en été. Il s’agit de contenir la vigueur de leur croissance pour ralentir la sève et mieux irriguer les bourgeons qui se trouvent à la base du rameau. Les pincements peuvent avoir lieu plusieurs fois au cours de la saison. Les premiers sont pratiqués lorsque le rameau a atteint une trentaine de centimètres (c’est p dire s’est allongé d’au moins huit feuilles) mais il est encore herbacé car aucun aoûtement n’a eu lieu. Il est donc très tendre et on peut le sectionner en le pinçant entre les ongles ou avec une épinette. Le rameau repousse et on repassera quelques semaines plus tard pour la taille en vert proprement dite.
Il y a un cas particulier qui concerne les pousses à la base des bouquets de fruits
Tout d’abord, un bouquet de fleurs se forme sur une branche de pommier par exemple. Il est bientôt suivi par un bouquet de petites pommes dont vous savez maintenant qu’il ne faut en garder qu’une et éliminer les autres. Une à deux semaines plus tard, des petites pousses apparaissent à la base du bouquet. Il y en a en général deux à quatre. Il faut les supprimer et n’en laisser qu’une seule destinée au renouvellement de la coursonne.
Un autre acte très important à accomplir en début d’été consiste à éclaircir les fruits
Beaucoup de personnes s’y refusent par peur de limiter leur récolte, mais l’éclaircissage des fruits ne réduit pas la récolte, bien au contraire. D’une part, on obtient des fruits plus gros, plus savoureux et en meilleur état. D’autre part, on en récolte tous les ans car l’éclaircissage réduit l’alternance. En effet une grosse production de fruits une année, par exemple des pommes, inhibe en grande partie l’induction florale qui permettrait la récolte de l’année suivante. Une troisième raison est liée à la façon dont les ravageurs s’attaquent aux fruits. Comme on le voit pendant le stage sur les insectes et maladies qui a lieu en octobre, le carpocapse, par exemple, pond le plus souvent au point de frottement entre deux fruits. La chenille, quand elle éclot, pénètre dans le fruit à ce point de jonction, bien protégée du vent et de la vue des oiseaux. Comprendre ces modes opératoires des insectes ravageurs est le premier pas pour pratiquer la protection intégrée.
Toutes les espèces ne s’éclaircissent pas de la même façon. Le schéma présenté sur notre site montre comment éclaircir les pommes. On ne laisse que la pommette centrale (A) et on supprime toutes les autres. Pour les poires, on peut laisser deux fruits (B), s’ils ne se touchent pas.
Il faut aussi impérativement éclaircir les coings, pour éviter de surcharger l’arbre, ainsi que les pêches et les abricots, en ôtant tous les fruits qui sont sur ou sous la branche et en ne laissant que les fruits latéraux. En revanche, les prunes (mirabelles, quetsches…) et les cerises ne s’éclaircissent pas. Essayez et vous verrez le calibre de vos fruits augmenter notablement et vous apprécierez non seulement la facilité de la récolte mais la qualité gustative de vos fruits. Et vous limiterez aussi votre travail de cueillette, de transport et de surveillance de votre récolte au fruitier et de nettoyage de votre verger !
Les conséquences d’une récolte surabondante peuvent être graves pour un arbre. Des fruits en surnombre épuisent l’arbre et déforment les branches qui ploient sous le poids. C’est particulièrement le cas pour les pêchers et pruniers qu’il est indispensable d’étayer s’ils n’ont pas été correctement formés.
L’ensachage
La dernière tâche, et non la moindre, qu’il est utile d’accomplir en début d’été est l’ensachage des fruits, en particulier les poires et si possible aussi les pêches et les raisins. Cela consiste à recouvrir chaque fruit, individuellement, d’un sac qui le protègera des maladies cryptogamiques et des attaques d’insectes : chenilles de carpocapse foreuse de galeries pour les pommes, frelons piqueurs et dévoreurs pour les poires et les pêches, oiseaux pour les raisins. Le procédé est long, fastidieux (pour préparer puis poser les sacs) mais très efficace. Il est d’autant plus utile qu’il concerne une variété tardive. En effet, si une piqûre d’insecte ou un coup de bec ne sont pas graves sur un fruit qui atteindra rapidement sa maturité et que l’on consommera dans les prochains jours ; il n’en va pas de même pour les variétés tardives qu’il faut conserver plusieurs mois au fruitier avant qu’il soit possible de les consommer.
On pose les sacs si possible dès que les fruits atteignent la grosseur d’une noix : avant, le fruit ne serait pas assez gros pour retenir le sac. Plusieurs matériaux sont possibles. Jusqu’à présent, les sacs de papier kraft équipés d’un élastique faisaient l’affaire. Mais ces dernières années ont vu l’arrivée d’une grande quantité de frelons et les sacs confectionnés en maille de nylon sont beaucoup plus efficaces contre ces insectes extrêmement voraces. Ils sont également moins dangereux à manipuler car on peut voir si un insecte s’est introduit dans le sac, ce qui arrive beaucoup moins souvent d’ailleurs qu’avec les sac de papier qui sont facilement transpercés par les frelons.
C’est tout ce que je voulais dire aujourd’hui sur les soins d’été à apporter à vos arbres fruitiers. Je vous donne rendez-vous très bientôt pour un podcast consacré à la taille en vert proprement dite. Si vous voulez en savoir davantage sur ce que je vous ai présenté aujourd’hui, vous pouvez vous rendre sur notre site et consulter le contenu des stages dédiés aux soins des arbres fruitiers en cours de saison :
- Protection contre les insectes ravageurs et les maladies, un stage qui a lieu en octobre et
- Pincements, cassements et tailles en vert au mois de juin
Et, vous pouvez également consulter les articles publiés sur notre blog.
A bientôt, au Jardin des Merlettes !