Blog 2022 09 : Comment choisir ses rosiers

Le jardinier qui souhaite planter des rosiers a beaucoup de chance : l’offre des pépiniéristes est très fournie et les catalogues regorgent de merveilles. Oui mais… comment choisir ? Car si les rosiers sont en général des plantes faciles à cultiver, rien n’est plus dommage que de voir un rosier mal adapté à l’endroit où il est planté. Le propos semble anodin. Pourtant tout le savoir-faire du jardinier ne pourra pas compenser un mauvais choix à la plantation.

Il y a quatre règles d’or pour choisir un rosier :

  • Des plantes en bonne santé
  • Une forme de rosier appropriée à l’endroit où il est planté
  • Un besoin d’entretien de la variété choisie bien synchronisé avec la disponibilité et le savoir-faire du jardinier
  • Un rosier dont la couleur, les pétales, le parfum enchantent le jardinier et/ou ceux pour qui le rosier a été planté !
Rosier ‘Alchemist

Un rosier en bonne santé

Quelques régles à respecter.

Les rosiers ne supportent pas tous le froid. La plupart des rosiers résistent très bien au froid, témoin les magnifiques rosiers qui fleurissent chaque printemps devant les maisons de l’île de Gotland, à l’est de la Suède. Mais il y a desexceptions, et de taille, comme par exemple de nombreux rosiers thé. Ils ont tendance à geler jusqu’au sol en hiver, dans notre Puisaye. S’ils reprennent au printemps, ils sont simplement en retard sur la saison mais vigoureux. Mais certains ne se remettent pas de cet épisode rigoureux. Les rosiers chinensis, les noisette et les banksia n’aiment pas le froid non plus. En revanche, tous les Gallica, Rugosa et beaucoup de centifolia et alba sont bien résistants. Le rosier ‘Hansa’ ci dessous non seulement supporte le froid mais est d’autant plus beau que l’hiver a été rigoureux
Les hybrides modernes sont inégaux mais une taille très courte au printemps est souvent nécessaire.

Rosier ‘Hansa‘ en hiver

S’ils ne supportent pas tous le froid, en revanche les rosiers supportent bien la chaleur : certains rosiers nous viennent du Moyen Orient (Rose de Damas, de Perse) et ne craignent vraiment pas le soleil. A l’usage, les rosiers semblent même préférer le temps chaud au temps froid. Les épisodes de canicule de cet été 2022 l’ont amplement démontré et la plupart des rosiers de notre roseraie montrent en ce début septembre un feuillage bien fourni et brillant et préparent une belle remontée de fleurs.
Les rosiers ont besoin d’arrosage, mais moins que la plupart des plantes vivaces. Nous avons fait l’expérience cet été de pailler abondamment les pieds des rosiers mais nous ne les avons pas du tout arrosés. Ils ont bien supporté six semaines sans aucune pluie. En revanche, dès que les orages ont été assez conséquents pour traverser les paillages et réimbiber le sol, les rosiers ont produit de bien belles pousses, en avance sur ce que l’on voit en général début septembre. 
Inversement, les rosiers supportent mal un sol détrempé en hiver. Nous avons au Jardin des Merlettes quelques rosiers plantés et qui se portent bien à des endroits mal drainés et souvent inondés l’hiver. C’est le cas de ‘Mermaid’ et de certains rosiers botaniquesmais ce sont des exceptions, la plupart des rosiers n’aiment pas que leurs racines soient noyées.
Les rosiers préférent les sols argileux : il nous est bien facile de voir la différence entre les rosiers cultivés dans le jardin situé à Cosne même, dans le Val de la Loire, au sol léger et sableux, et ceux de la roseraie du Jardin des Merlettes, dans l’argile poyaudine, à environ 250 m d’altitude. Même bien enrichi en humus depuis des années, le sol du val donne de bien moins bons résultats. La structure du sol est un sujet sur lequel nous sommes particuliérement vigilants : les parterres du Jardin des Merlettes sont rechargés régulièrement en bois raméal fragmenté, terreau ou paillage de fétuque, paille ou mulch. A ce régime ne s’ajoute aucun engrais chimique, naturellement. Parmi les rosiers buissons particulièrement vigoureux et faciles : ‘Jubilé du Prince de Monaco’, ‘Westerland’ et ‘Mozart’.

Mais il faut bien reconnaître hélas que, même plantés dans des conditions idéales, certains rosiers sont fragiles : Même si la saison débute bien, ‘American Pillar’ se couvrira d’oïdium au début de l’été, de même que ‘Veichelblau’ (photo ci dessous) ou ‘Souvenir d’Alphonse Lavallée’. La différence est flagrante avec d’autres rosiers bien résistants. Autant le savoir. D’autres rosiers sont, eux, sujets au champignon Marsonia , appelé aussi ‘maladie des taches noires’ et perdent toutes leurs feuilles en début d’été. C’est le cas des rosiers ‘Alchemist’ , ‘Prince Igor’ et ‘Madame Butterfly’. Cette faiblesse ne nous a pas empêchés de les planter. Nous ne nous en préoccupons pas trop et nous contentons de tailler les branches les plus atteintes et d’arroser les rosiers les plus touchés. La pousse de remplacement qui s’ensuit en milieu d’été est en général saine.

Oidium sur rosier ‘Veichelblau’

Choisir où planter en recensant les milieux du jardin

Dans un jardin, les propriétés du sol, l’espace disponible, l’ombre portée par les bâtiments alentour et les arbres, le vent, le climat, sont autant de circonstances qu’on ne pourra pas changer. En revanche, la combinaison de ces éléments, favorables ou défavorables, peut changer de façon importante d’un endroit du jardin à l’autre et un jardinier peut utiliser ces différences de façon astucieuse.
Autant que possible, on plante les rosiers dans l’endroit du jardin le mieux adapté à leurs besoins, c’est à dire celui qui répond au plus grand nombre de critères positifs et, par ordre d’importance, de la lumière, de l’air, et un peu d’espace, tel ce rosier grimpant ‘Madame Meilland’, de plus de cinquante ans d’âge, qui contraste avec l’aspect chétif d’autres rosiers du même jardin qui ne reçoivent pas assez de lumière.

Mme Meilland’ ou ‘Peace’

Un rosier pour chaque usage

Il faut ensuite considérer la hauteur et la largeur souhaitée pour la plante qu’on installe. Bien sûr, ça coule de source…mais on a tendance à oublier cette question quand on achète un rosier. Selon l’objectif recherché, l’espace à investir ou le support à habiller, mais aussi l’association recherchée avec les plantes déjà en place et l’ambiance que l’on souhaite créer, on choisira des rosiers plus ou moins hauts ou larges, ceux qui serviront de fond et ceux qui joueront les ‘prima rosa’. Là se pose souvent un problème bien pratique : où trouver ces précieuses informations ? Les catalogues donnent des indications, mais le sol du jardin et les conditions de culture offertes au rosier changent beaucoup la donne. Nous avons ainsi planté des rosiers ‘Astronomia’ censés mesurer environ 60 cm de haut et sommes chaque année surpris par les pousses d’été qui avoisinent un mètre, ridiculisant un peu le second rang de rosiers qui s’en tient, lui, aux 80 cm prévus. Un détail anodin ? Pas vraiment, car l’effet d’ensemble est raté.

Le dessin ci-dessous présente la succession des formes de rosiers, par ordre croissant : rosier paysager couvre sol, buisson, haut buisson, demi tige, pleureur, grimpant (petit ou grand), et enfin le rosier liane. Le facteur important àconsidérer est le volume du rosier par rapport à ce qui pousse autour de lui : des plantes vivaces, d’autres buissons, ou bien si le rosier est planté en isolé sur une pelouse. Dans ce dernier cas, par exemple, on recommande de le planter par groupes de trois ou cinq exemplaires pour un meilleur effet

Et le port du rosier lui même est extrémement important, et, en particulier, la souplesse de ses branches et leur longueur.Les photos ci-dessous présentent quelques exemples de rosiers en pergola. Le rosier de gauche, ‘Pink Cloud’, est beaucoup trop petit pour cette pergola de trois mètres de haut. Ce n’est pas parce qu’il est jeune car d’autres rosiers du même âge ont déjà formé un arc de cercle au dessus de la pergola. Il n’est tout simplement pas programmé pour pousser aussi haut. Par contraste, le rosier de la photo du milieu, ‘Apple Blossom’ est parfaitement à son avantage. Mais à droite,‘Madame Alfred Carrière’ peut prêter à discussion. Il est si exubérant et difficile à draper que l’effet rendu est toujours un peu fouillis. Mais certains trouveront que cela lui donne encore plus de charme, et ses roses sont si jolies !

Et il faut également décider, bien sûr, si l’on souhaite absolument un rosier remontant ou si l’on accepte un rosier non remontant, c’est à dire qui ne fleurira qu’une seule fois… Nous n’insistons pas sur ce critère, largement discuté par ailleurs dans ce blog. Il peut être dommage, si l’on a quand même un peu de place à leur consacrer, de se priver de la magnifique floraison des rosiers non remontants. Ci dessous, ‘Wedding day’ et ‘François Juranville’.

‘Wedding Day‘ (blanc) et ‘François Juranville’ (rose)

Un rosier pour le jardinier

Et il ne faut pas oublier non plus le jardinier, qui va passer du temps à soigner les rosiers et à les attacher. Il est prudent d’intégrer dans notre choix quelques contraintes de gestion :
Il s’agit d’évaluer honnêtement le minimum de soins requis pour le rosier choisi. A chaque saison, il y a un peu de travail à faire sur les rosiers : en hiver (la taille d’hiver), au printemps (fin juin, un peu de nettoyage des fleurs fanées, et souvent, désherber le pied des rosiers), en été (la taille des rosiers non remontants que l’on n’aura pas taillé en hiver, pour préserver leur floraison de printemps), en automne enfin, le palissage des rosiers grimpants et lianes. Faute de ces soins essentiels, le rosier ne réalisera pas son potentiel.

Tout dépend donc du temps que le jardinier peut rendre disponible, et aussi de son savoir faire. La difficulté relative d’entretien des rosiers croît avec leur taille, et tout simplement déjà pour des raisons d’accès. Attention donc aux pergolas et autres grimpants pour ceux qui n’aiment pas les échelles car il faut absolument attacher les nouvelles pousses. Un rosier grimpant bien fourni peut facilement demander une demi-journée de travail deux fois par an, et quelques séances de nettoyage après floraison. Et n’espérez pas gagner du temps en ne le taillant que tous les deux ou trois ans, c’est l’inverse qui se passera car la taille sera beaucoup plus compliquée. Et si on omet l’exercice une année, le rosier n’en souffrira pas, mais il ne sera pas forcément très joli à regarder et certaines branches risquent d’être cassées par l’orage. Les choses rentreront dans l’ordre dès la taille suivante.

Les deux photos ci-dessous présentent un petit grimpant, ‘New Dawn’, qui est un bon sujet pour commencer. Il est si vigoureux que rien ne l’abattra. En revanche, en le taillant et en observant comment il pousse, vous comprendrez vite comment procéder ( à gauche, avant la taille d’hiver, au centre, après la taille). 

Et voici ‘Aimée Vibert’ , un rosier un peu plus difficile car il produit tant de pousses du pied qu’il peut décourager celui qui est chargé de le draper. Cependant il ne présente aucune difficulté une fois les pousses attachées.

Rosier ‘Aimé Vibert

Pour vérifier son choix, il est vraiment utile d’aller chaque fois qu’on le peut regarder ‘in situ’ les roses que l’on a choisies dans un catalogue. Pour cela, les roseraies de votre région sont idéales, si possible en juillet, après la première belle floraison et quand les maladies attaquent, ainsi qu’en octobre, quand seuls les rosiers les plus courageux fleurissent encore. Vous ferez des découvertes !

En région parisienne, les roseraies de Bagatelle et de l’Haÿ les Roses, à Lyon, la roseraie du Parc de la Tête d’Or, à Rennes, le parc du Mont Thabor, et beaucoup d’autres. Outre le plaisir de leur visite, ces roseraies sont particulièrement utiles pour l’amateur tant le choix qu’elles offrent est grand. Sans compter que si vous prenez le temps de regarder, vous découvrirez mille astuces utilisées par les jardiniers pour conduire et attacher les plus récalcitrants.

Un rosier … pour ses roses !

Et une fois passés en revue tous ces critères bien raisonnables, on peut simplement choisir des rosiers parce qu’on aime leurs roses ! Certains jardiniers ne jurent que par les roses ‘anciennes’, d’autres n’aiment que les polyanthas, d’autres enfin les botaniques.

Pour ma partie les aime toutes et nous avons planté des roses pour tous les goûts au Jardin des Merlettes, afin que chacun puisse s’entraîner sur les variétés qu’il préfère.

  • La famille de rosiers : ‘anciens’ versus ‘modernes’, les botaniques, des roses ‘thé’ ou des Noisettes…
  • Les critères horticoles : par exemple, la forme des fleurs, en coupe, globuleuse, turbinée,… de leurs pétales ainsi que leur nombre, simple ou centifolia, la floribondité, le port du rosier lui même, et aussi des roses, et même la façon dont elles fanent, qui peut être très jolie ou totalement disgracieuse, comme la rose ‘Sénégal’, montrée ci dessous.
  • Des qualités particulières : le parfum, bien entendu, mais aussi des qualités auxquelles on ne pense pas d’abord. Par exemple, le fait de pousser en mi-ombre. C’est le cas de ‘Alister Stella Gray’, un rosier Noisette qui s’accommode bien d’une ambiance de sous bois aéré. Parmi d’autres critères, on peut également penser à la tenue de la fleur en bouquet dont ‘Mme Meilland’ détient la médaille d’or !
  • Et enfin, les roses que l’on aime parce qu’elles font partie de notre histoire personnelle. Chacun a des souvenirs liés à telle ou telle rose dont le nom évoque un proche, un ami, un souvenir agréable.
Rose ‘Sénégal’

Voici ci-dessous, quelques unes de nos roses préférées : le ‘Rosier évêque’ pour sa couleur, ‘Mme Butterfly’, pour ses pétales turbinés et son parfum, ‘Chinensis mutabilis’ pour sa grâce….

Il ne vous reste plus qu’à vous mettre au travail. Vous allez sans doute découvrir qu’une fois choisis vos critères, le nombre de rosiers ‘éligibles’ pour votre petit coin de paradis se réduit étonnamment. Mais le résultat sera à la mesure de vos efforts de recherche. Vous êtes peut-être surpris par toutes ces précautions que je viens de décrire pour choisir vos rosiers. Mais je vous garantis que chacune d’entre elles est nécessaire. Comme dans d’autres disciplines qui font appel à nos sens artistiques, lorsque le résultat est réussi, tout paraît simple et on a tendance à minimiser le travail qui a précédé. Le visiteur en tous cas n’en saura rien.

Rendez vous bientôt au jardin, pour une visite commentée de la roseraie.

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