S2 E4 Podcast : Zoom printanier sur les tulipes

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Un petit cadeau de Pâques, pour vous tous, amis auditeurs confinés. C’est le printemps, les oiseaux chantent… et d’ailleurs on les entend beaucoup mieux maintenant que le bruit des moteurs s’est tu un peu partout. C’est donc le moment de descendre au jardin et d’admirer tout ce qui pousse. Oui, le propos est cruel pour ceux qui n’ont pas de jardin où se promener. Mais au printemps, les bulbes sont rois et parmi ceux-ci, les tulipes ont une place toute particulière. Leurs couleurs éblouissantes sont le témoin de la vie retrouvée au jardin et une nouvelle surprise chaque année. Et puis, des tulipes, en ce moment, il y en a même dans les plus petits parterres, donc tout le monde peut les admirer.


Arrêtons-nous un instant sur le mode de croissance et la culture des tulipes

Mode de croissance :

Cycle de vie du bulbe
La tulipe est modeste. Après sa floraison, elle se dessèche lentement et, environ début juillet, disparaît complètement… pour reparaître au printemps suivant. En fait, la tulipe est une plante vivace, grâce à son bulbe justement. C’est à dire que bien soignée, elle refleurira au jardin année après année. Mais alors que pour la plupart des plantes vivaces l’endroit névralgique se situe juste au niveau du sol, pour les tulipes, narcisses et autres plantes bulbeuses, c’est le bulbe installé dans la profondeur du sol qui constitue une réserve de nourriture et qui est fondamental. De la façon dont le bulbe évolue dépend la renaissance de la plante ou son dépérissement et parfois même sa multiplication, si la plante se naturalise.

Reprenons donc :

La tulipe fleurit au printemps en puisant dans les ressources de son bulbe. La plante pousse, une fleur s’épanouit puis fane. Mais les feuilles continuent de pousser et elles nourrissent, elles rechargent le bulbe grâce à la photosynthèse.
Bien soignées, c’est à dire si les tulipes sont arrosées en fin de printemps et qu’on leur apporte un peu d’engrais organique, le bulbe grossit d’année en année ou, selon les variétés, se divise et produit des bulbes secondaires.
Puis, vers le mois de juillet, la plante entre en dormance, les feuilles se dessèchent et peuvent être retirées du sol et placées dans un endroit sec en attendant d’être replantées en automne.

Si on a laissé la tulipe en terre, elle se réveille en automne quand le sol commence à être bien humide et les racines commencent à pousser. On ne voit rien, bien entendu car cela se passe dans la profondeur du sol. Cependant, il est sûrement arrivé à beaucoup d’entre vous de déterrer des tulipes (ou des narcisses) quand vous nettoyez vos parterres en octobre . Et vous avez sans doute été étonnés de voir que des racines poussaient déjà en couronne à la base du bulbe. Ce processus s’arrête quand la température baisse pour reprendre au printemps suivant. Et souvent, on n’a pas une seule mais deux, ou trois tulipes car les tulipes sont capables de se multiplier si elles se plaisent là où on les a installées, comme on l’a expliqué tout à l’heure.

Comment aider les tulipes à bien pousser ?
Compte tenu de leur mode de croissance et de développement, en particulier l’importance de la photosynthèse dans leur processus de régénération, il faut planter les tulipes en plein soleil.

Également leur offrir un sol favorable. Tous les sols conviennent à condition d’être bien drainés. Nous pouvons constater la différence entre le Jardin des Merlettes à Cosne, dans le val de la Loire où le terrain est léger et sableux et les tulipes magnifiques et le  Jardin des Merlettes à Saint Loup où le sol argilo limoneux est très hydromorphe par endroit et ne leur convient pas du tout.

On l’a déjà dit, mais c’est très important, il faut penser à les nourrir et à les arroser quand elles rechargent leur bulbe, après la floraison.

Tous ces soins sont très simples, pour un très joli résultat.

La plantation

Parlons un instant de la plantation

Période de plantation 
Le mois d’octobre est idéal pour commencer la plantation des bulbes, c’est à dire plus tôt que ce que l’on imagine en général. Le sol a été bien arrosé par les pluies d’automne et les racines peuvent commencer à pousser et les bulbes à s’installer.

Profondeur de plantation
On recommande de planter à une profondeur suffisante, c’est à dire trois fois la hauteur du bulbe avec un minimum de cinq centimètres. Cette plantation profonde retarde un peu la croissance la première année mais permet aux racines de ne pas être en concurrence avec les plantes adventices de surface. Cela protège également le bulbe des chocs thermiques car le sol est un bon isolant. Il faut penser dès la plantation à une possible canicule l’été suivant.

Distance de plantation
Une autre décision à prendre : à quelle distance planter ? Voilà un grand sujet. Et il y a autant d’avis sur la question que de jardiniers ! En général, on recommande de créer un effet de masse, une nappe de couleur. Mais je me souviens d’un parterre dans un jardin au pays basque : une seule tulipe, bien placée et le tableau était parfait.

La question des distances de plantation se présente différemment selon que l’on parle d’un parterre où il n’y a que des bulbes ou d’un parterre ‘mixte’, c’est à dire une association de bulbes et de bisannuelles ou de bulbes et de plantes vivaces. Les plantes annuelles n’entrent pas vraiment en ligne de compte car elles commencent en général à pousser au moment où les tulipes entrent en dormance donc elles ne sont pas en concurrence avec les bulbes ni pour la lumière ni pour l’espace au sol.

Alors, combien de bulbes au mètre carré ? Les recommandations des professionnels paraissent parfois énormes. A titre d’exemple, la société De Boer, un spécialiste néerlandais des plantes à bulbes, recommande de planter environ 60 à 120 (oui, j’ai bien dit 120) tulipes au mètre carré selon les variétés. Un peu interloquée, j’ai fait l’expérience de compter les fleurs dans quelques massifs plantés en mosaïque et, effectivement, je peux confirmer que, pour obtenir  un joli effet visuel, il faut planter beaucoup beaucoup de bulbes au mètre carré si vous ne plantez que des tulipes ou des narcisses, par exemple.

Protection pendant la période de dormance et gestion du parterre au fil des ans
Il y a d’autres bonnes raisons de planter ainsi les bulbes en taches bien denses. Cela a à voir avec le travail du jardinier. D’abord, il est moins fatigant de ne préparer que de petits espaces. Mais aussi et surtout, cela permet de repérer où les bulbes sont plantés pour ne pas les arracher durant la période de dormance et ne pas non plus marcher dessus en début de printemps. Certains jardiniers plantent des muscaris autour de leurs taches de tulipes car ces plantes présentent l’avantage d’avoir des feuilles en automne, contrairement aux narcisses et aux tulipes, et sont donc très facilement repérables.

Protection contre les ravageurs
Si votre jardin est près de la campagne, vous rencontrerez peut être également des problèmes avec les campagnols qui adorent certains bulbes et les mangent : au Jardin des Merlettes, nous avons ce souci pour les crocus et les tulipes. A noter que les campagnols ne s’attaquent pas aux narcisses. Contre ces bestioles, nous utilisons une stratégie dissuasive toute simple. Au moment de la plantation, nous installons une petite poignée de cheveux dans le trou de plantation de chaque bulbe. Oui, des cheveux, gracieusement offerts par notre coiffeur qui nous en balaie un sac au moment des plantations. Peu importe la force, la taille ou la couleur des cheveux, naturelle ou pas, le système fonctionne très bien et les petits animaux ne s’approchent plus de nos bulbes.

Comment choisir ses tulipes ?

Un reproche souvent adressé aux tulipes concerne la courte durée de leur floraison. Elle dure si peu de temps, deux semaines à peine, alors, pourquoi se préoccuper de mettre des tulipes au jardin ?

C’est mal raisonner et on a déjà évoqué ce sujet dans le podcast dédié aux pivoines à qui l’on fait le même reproche, un reproche que l’on pourrait aussi adresser à la plupart des plantes et arbustes fleuris du jardin. Certes leur floraison est courte mais la beauté des tulipes, les couleurs extraordinaires qu’elles apportent au jardin, valent bien qu’on se donne un peu de peine. De plus, comme pour les pivoines, en choisissant correctement les variétés, on peut allonger notablement la durée de la floraison. Je vous propose de passer un petit peu de temps sur ce sujet.

Vous pouvez facilement trouver dans les jardineries des bulbes de tulipes de 4 catégories différentes dont la floraison s’étale entre la mi-mars et la fin avril. Il suffira de mélanger les bulbes des quatre catégories pour avoir une longue durée de floraison au jardin. 

Les tulipes kaufmanniana
Ce sont les plus précoces, au mois de mars. Leurs tiges sont courtes, 15 à 25 cm. Le bouton est étroit et allongé. On les appelle aussi parfois tulipes nénuphars, peut-être parce que, comme les nénuphars, leurs corolles s’ouvrent au soleil, pour nous laisser découvrir des couleurs plus vives au cœur de la corolle. Elles se naturalisent facilement et forment un tapis très coloré et gracieux. Parmi un grand nombre de variété disponibles, j’aime particulièrement :

  • Corona (15 cm) d’un jaune safran au cœur tout rouge (rien à voir avec le corona virus, évidemment !)
  • The First (20 cm, un peu plus haute) blanche et rouge
Tulipe kaufmanniana

Les tulipes greigii
Elles fleurissent de la fin mars à mi-avril. Elles sont un peu plus hautes et beaucoup plus trapues que les kaufmannianas : 20 à 25 cm. Leur feuillage est marbré de pourpre. J’aime particulièrement :

  • Ali Baba (20 cm), d’un rouge magenta superbe
  • Pinocchio (très courte, 15 cm) aux tépales très allongés, acuminés
  • Mary Ann (plus haute, 25 cm) crème et rouge, au feuillage fortement marbré
Tulipe à pétales acuminés

Les tulipes fosteriana
Elles fleurissent de la fin mars à mi-avril et sont beaucoup plus hautes que les greigii ( 35 à 40cm). Ces tulipes assez précoces à grandes fleurs aiment le soleil et surtout être abritées du vent. Je vous propose :

  • Apricot Emperor (bien haute, 40 cm), d’une jolie couleur abricot, comme son nom l’indique
  • Purissima (également 40 cm) une variété qui réussit toujours

Les tulipes simples hâtives :
Elles fleurissent tout au long du mois d’avril et produisent des tiges très solides, de 30 à 35 cm de haut. Par exemple :

  • Apricot beauty : encore une couleur abricot, c’est vrai, mais tellement jolie ! Vous ferez durer le plaisir si vous en plantez quelques-unes parmi les fosteriana ‘Apricot Emperor’
  • Red Paradise : d’un rouge magenta éclatant.
Tulipe simple hâtive

Et puis, il y a encore une catégorie ‘hors norme’ de tulipes qui n’ont pas été obtenues par hybridation dans la filière horticole. Je veux parler des tulipes dites ‘botaniques’. Ce sont des tulipes qu’on a ‘trouvées’ dans différents pays du monde et qui sont restées en l’état. Elles sont souvent assez précoces, pas très hautes, à tiges parfois un peu graciles. Beaucoup d’entre elles portent plusieurs fleurs sur la même tige. Leurs couleurs sont souvent moins éclatantes que celles des tulipes horticoles. Elles présentent un grand intérêt pour le jardinier amateur qui aime cultiver une certaine liberté dans son jardin car elles se naturalisent très facilement. Donc, elles se multiplient facilement au jardin et se déplacent vers les endroits qui leur conviennent le mieux.
Pour revenir sur la façon de planter et, en particulier les distances de plantation, on comprend bien qu’elle ne sera pas la même selon les variétés de tulipes que l’on aura choisies. La densité maximum sera de 120 tulipes au mètre carré pour les tulipes botaniques et la minimum de ‘seulement ’60 pour les tulipes simples tardives. Il faut noter aussi que, s’il est tout à fait courant d’avoir des parterres uniquement composés de tulipes simples tardives, en revanche, un parterre de tulipes botaniques n’est pas d’un grand effet, compte tenu du faciès de ces plantes. Elles ont à mon avis absolument besoin d’être complantées avec d’autres bulbes ou plantes qui les mettront en valeur, comme c’est le cas dans leur milieu naturel, en Toscane, dans les collines autour de Florence. Pensez en particulier aux plantes couvre sols : pervenche, violettes, Épimedium ou millepertuis, selon l’effet plus ou moins dense que vous souhaitez obtenir.

Voilà pour ces jolies fleurs que nous espérons que vous apprécierez autant que nous. Retrouvez nous sur notre site si vous voulez obtenir plus d’information ou vous renseigner sur nos prochains stages de plantations. Et pensez à mettre une appréciation sur ce podcast. Cela nous encourage et nous aide.

Très joyeux week end de Pâques à tous, envers et en dépit de tout.

2 commentaires

  1. Martine Gueye dit :

    Je ne regarderai plus les tulipes de la même manière. Avec tous les renseignements pratiques donnés cela donne envie d’en planter, d’une autre manière et avec art.
    Vos podscats allient toujours technique, pratique et beauté: à la fois clairs, précis et toujours empreints de poésie

    1. ccoulomb2518 dit :

      Bonjour,
      Merci de votre indulgence… et de votre gentillesse. Les tulipes sont des trésors à cultiver. Bien soignées et nourries en été, elles égaieront votre jardin votre vie durant.
      Et c’est le moment de les choisir pour vos plantations d’octobre.
      Bien cordialement

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