Promenade à Tokyo au Nouvel an
Sa canopée nous indique le parc de Hama Rikyu et pose le sujet. Au pied des gratte ciels, le parc recèle de beaux mystères qui montrent combien un jardin peut être beau aussi en hiver.
Déjà, la route qui nous y guide, enchâssée entre autoroute, métro, JR… n’est plus tout à fait la ville. La gamme variétale des espaces publics de Tokyo comprend de nombreuses espèces à feuilles persistantes. Cela offre un aspect verdoyant en toutes saisons même comme ici, en plein hiver.
Pour un jardinier, une partie du charme des jardins japonais réside dans les surprises que l’on y découvre. Pas tant au niveau des essences, que l’on trouve maintenant fréquemment dans le monde occidental, mais plutôt en raison de la façon dont ces plantes sont entretenues. Témoin ce parterre de… camélias, mais oui, tondus en topiaire, ce qui ne les empêche pas de fleurir abondamment.
Car au Japon le camélia se conjugue de toutes les manières : en coussin dense, comme ci-dessus, mais aussi en architecture pérenne, comme ci-dessous.
Et on peut encore le voir taillé en haie impénétrable. Qui a donc décrété qu’on ne devait pas tailler les camélias ? Sous ce climat qui leur convient parfaitement, ce sont des plantes extrêmement faciles à entretenir et qui se prêtent à toutes les formes. A condition bien sûr, de n’être pas taillées à contre saison.
Les autres arbustes aussi témoignent du savoir faire des jardiniers. Chaque arbuste est méticuleusement taillé de façon à mettre en valeur son feuillage, ou son écorce, son port souple ou au contraire érigé. Le résultat est d’un graphisme très étudié, qu’il s’agisse des azalées, des lagerstroemia, des houx, des érables nains…
Le propos s’applique aussi aux arbres, traités parfois de façon assez théâtrale, non sans un certain humour, témoin cet alignement de cryptomères.
Ou encore, ces alignements de ginkgo biloba conduits en cônes très pointus. Pour celui qui ne connaît pas ces arbres, le port semble naturel. Pour les autres, ce faciès est très surprenant tant celui de l’arbre en port libre est différent. Cette taille permet moins de prise au vent. L’arbre manifeste son dynamisme par la formation de têtes de saules aux endroits taillés courts quelques années de suite. On peut noter les reprises de taille.
Les jardiniers de ces parcs possèdent une maîtrise absolue de l’art de la taille : l’image ci dessous présente un arbre dont on construit très progressivement une architecture étagée, comme on le ferait en France pour un arbre fruitier, un poirier par exemple. Mais dans ce cas, les pousses de l’année, laissées intactes, retombent souplement. Cela confère à l’arbre une grâce qui atténue la rigidité de la pyramide en construction.
Chaque sujet isolé prend ainsi la valeur d’une sculpture à part entière… et fait figure d’œuvre d’art plastique.
Et lorsque l’œil se pose, il découvre dans les bosquets des détails d’une infinie délicatesse : cette merlette (?) japonaise sur un nandina, une fontaine en bambou, des passereaux en congrès…
Mais comment faire une promenade sans mentionner les pins noirs du Japon (pinus Thunbergii) conduits en Niwaki ? Ici, leurs troncs sont droits, mais on les trouve le plus souvent dans des formes tordues, représentations symboliques des côtes du Japon.
Tout aussi symboliques que les pins, les pierres, omniprésentes et sous toutes les formes… entourées d’arbustes ou dans un décor complètement minéral.
Et pour finir cette ballade, et célébrer le Nouvel An comme il se doit, nous vous présentons des tambours japonais et des kadomatsu, ces décorations que l’on installe à l’entrée des temples (shinto), maisons ou magasins. Ils sont composés de pin, symbole de longévité et de bambou, qui représente la santé, parfois aussi d’un peu de paille de riz. Simples (à gauche) ou très élaborés (à droite, avec trois bambous taillés en biseaux de tailles inégales et figurant le ciel, la terre et l’humanité ), ils sont censés attirer le dieu du nouvel an, toshigami, afin de protéger le foyer.
Merci beaucoup pour ce magnifique voyage à Tokyo .
Bonne Année .
M . Trautmann